Le livre répond à ce constat. Il est alors ponctué de nombreuses définitions issues des RFC bien connues de l’auteur, qualifiés de textes sacrés de l’Internet, ou de son observation des phénomènes, préalable à un énoncé indispensable des problématiques traitées.

De ce point de vue, le livre est une parfaite réussite.

Pour tous ceux qui s’intéressent au devenir de nos sociétés en voie de numérisation, notamment les juristes, l’ouvrage s’avèrera dès lors un complément précieux.

De la vie privée et de sa définition de la RFC4949, complément intéressant à la définition juridique française et européenne, jusqu’au Botnet, deep web, VPN en passant par les cookies et la chaîne de blocs (blockchain) décrits de manière synthétique, on en finit pas d’apprendre ou de préciser ses connaissances à chaque page de ce livre.

L’autre ligne force du livre tient à ce que Stéphane Bortzmeyer place ce qu’il appelle les droits humains (pourquoi pas les droits de l’homme ?) au dessus de la technique.

Pour l’auteur, qui cite les travaux de l’IETF, il y a de la politique dans les protocoles de l’Internet. Il cite le cas des RFC « politiques » 1984 et 7258 qui traitent notamment de la cryptographie des protocoles de l’Internet.

C’est là, la véritable originalité de l’ouvrage et sa valeur ajoutée, peu commune dans la littérature francophone.


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Le lecteur pourra cependant regretter qu’il manque un fil rouge qui dépasse le catalogue des thèmes traités, une idée force, un peu de hauteur, un programme politique associé à l’ouvrage, ce que pouvait laisser espérer le sous-traite du livre « L’Internet, un espace politique ».

Mais cela s’explique sans doute par le fait que Stéphane Bortzmeyer est en phase d’une mutation non encore totalement achevée.

Vulgariser la technique, pour un membre de la communauté technique de l’Internet, n’est pas toujours bien vu par les membres de cette communauté, et pourtant, il l’a fait.

Reconnaître que la politique et donc le droit, doivent être associés à la technique et la surpassent, n’a pas toujours été non plus la position de cette même communauté, et par exemple de l’Afnic à laquelle appartient Stéphane Bortzmeyer. Ainsi, à son origine, l’office d’enregistrement du .fr et son ancêtre l’INRIA voyaient dans le nom de domaine en .fr une pure ressource technique et c’est tout. La conséquence était que l’Afnic refusait d’enregistrer toute cession d’un nom de domaine en .fr, considérant que puisqu’il n’était qu’une ressource technique, il était hors du commerce. Les choses ont bien changé.

L’autre raison qui explique le positionnement descriptif du livre tient à ce que l’auteur, qui se qualifie « d’optimiste irréaliste », n’avait tout simplement pas cette ambition. Son ambition avec ce livre, est d’éclairer les débats sociétaux et politiques d’une dimension technique et humaine.

Aux termes de la lecture, on ressort en effet mieux armé, bien plus assuré, pour débattre des sujets fondamentaux de l’Internet, et cela rend l’ouvrage indispensable.

Dernière chose, j’ai acheté le livre. Il coûte 22 euros et est édité par la maison C&F éditions animée par Hervé Le Crosnier, bien connu des activistes de l’Internet.